Asgard Hass Productions : l’interview exclusive

Asgard Hass Productions : l’interview exclusive

Parmi la pléthore de labels spécialisés dans le Black Metal, Asgard Hass Productions s’illustre par son attachement à des valeurs humaines fortes. Né d’un concours de circonstances, le label suisse évolue aujourd’hui sous la forme d’une association et s’apprête à fêter ses 10 bougies. Une compilation est en préparation pour marquer dignement l’évènement, et pour mettre à l’honneur la grande famille qui s’est formée autour de Asgard Hass au fil des années. Astérix, le fondeur du label, nous raconte tout.

Asgard Hass au Black Hole Festival II

Laurent : Peux-tu nous parler de la genèse du label ? Quand, comment, avec qui l’aventure a-t-elle débuté ?

Astérix : Le label m’est un peu tombé sur la gueule, si je peux le dire comme ça. Je n’ai jamais voulu ou même eu l’idée de créer un label. J’ai toujours écouté beaucoup de musique, et dès que j’ai eu l’âge de bouger en concert j’ai rapidement commencé à aller voir des lives dans toute la Suisse. À une époque je me souviens que j’étais presque tous les week-ends en concerts, que se soit en Suisse romande ou en en Suisse allemande. J’ai assez rapidement commencé à sortir du pays : France, Allemagne, Italie ou encore Belgique.

Sans m’en rendre compte, j’ai commencé à m’impliquer et à m’investir : trouver des dates pour les groupes que je connaissais, aider sur les concerts. J’ai été membre d’une association suisse allemande qui organisaient des petits concerts semi-privés ; j’ai d’ailleurs eu la chance de voir des sacrés groupes grâce à eux. Ensuite, j’ai fait partie des membres fondateurs d’une seconde association. Il y aura eu trois concerts, avant que l’association ne s’arrête d’elle-même.

À travers tout ça, j’ai rencontré un mec, qui est devenu un très grand ami, voir même une figure paternelle (rires). C’est mon papa français (rires). Le jour où nous nous sommes rencontrés, il a très certainement du se passer des trucs bizarres dans l’univers à mon avis (rires). Je suivais un de ces anciens groupes sur quasiment toutes ses dates. Quand je ne pouvais pas venir, les concerts étaient presque annulés à chaque fois, pour dire (rires).

Il a eu énormément de peine à trouver un label pour sortir un de ces albums … les grandes promesses sans suite et compagnie. Il a fini par me dire qu’il allait sortir son album lui-même, et je lui ai dit que je lui donnerai un peu d’argent. Un don, quoi. Le samedi 15 mai 2010, le groupe jouait en France, et j’y suis allé pour voir le concert. Nous nous sommes retrouvés sur un parking proche de la salle en début d’après-midi, et par terre il y avait un sac de course. Mon pote me dit : « C’est ta part, ça correspond à l’argent que tu as mis dans le CD ». Je lui ai dis que je n’en voulais pas, que cet argent je le lui avais donné. Il m’a dit que les CDs j’en faisais ce que je voulais : les lancer aux canards au bord du lac, les donner à un clochard pour qu’il se fasse une maison avec … Mais que, si je ne prenais pas le sac, il resterait sur le parking. Le dimanche je suis donc rentré chez moi avec un sac de 165 CDs.

J’ai d’abord commencé à vendre les CDs à mes potes. Au bout d’un moment, j’ai commencé à contacter des labels pour faire des échanges. Je n’ai aucune idée de comment et pourquoi j’ai pensé à faire ça. Au bout d’un certain temps, j’ai pris la décision de créer une distribution de CDs. Le 17 septembre 2010, je me suis rendu dans une salle proche de chez moi pour voir un concert. C’était une espèce de concert de neo-metal punk-je-ne-sais-pas-trop-quoi, mais pour moi le but était de voir la salle. Deux ans après, j’ai d’ailleurs organisé deux dates là-bas. Durant la soirée, j’ai remarqué un mec avec un t-shirt Bathory. J’ai été causer avec lui, et je lui ai donné un flyer « home made » de la distribution de CDs. Il m’a demandé si je faisais aussi de la production, car il avait un groupe de black metal. Je lui ai dis que non, mais pourquoi pas.

Le week-end suivant, la Suisse a vu la deuxième édition du Metal Assault à Lausanne, mais également le tout premier stand de Asgard Hass Productions. C’est un vieux pote de l’époque de mes premières sorties dans les bars qui m’avait croisé trois semaines avant le festival, avec la deuxième valise de CDs que je venais d’acheter, qui m’avait demandé ce que je foutais avec ça. Je lui ai expliqué et il m’a dit de venir poser mon stand. Je vais être franc : je ne savais pas ce que je faisais (rires). Et c’est finalement le 12 avril 2012, que Asgard Hass Productions sort sa première production, et devient officiellement un label.

« je ne savais pas ce que je faisais »

Asterix, Asgard Hass Productions

Au final, qu’est ce qui a créé ce label. Je pense que ce n’est tout simplement rien de plus que la passion que j’ai pour la musique, cette musique. Mon investissement, ma façon de faire et d’agir. Ce qui aura fait que je rencontre certaines personnes, des personnes qui sans le vouloir m’auront poussé à faire plus, à aller plus loin d’une certaine façon. Des personnes sans qui le label, aujourd’hui l’association ne serait pas là. Asgard Hass Productions, je l’ai commencé tous seul. Mais certaines de ces rencontres … sans elles le label et l’association n’auraient jamais existé. 

Dav

L : C’est une très belle aventure humaine que tu décris. L’identité de Asgard Hass a dû s’affirmer au fil des années : aujourd’hui, qu’est ce qui en fait un label différent des autres ?

A : Oui, exactement. Comme je le disais, au début je n’avais aucune idée de ce que je faisais, ou de ce que je devais faire. Les choses se sont faites naturellement. J’ai toujours été proche des gens avec qui je travaille. Je trouve important de créer quelque chose de plus que la simple relation artiste-label. Les groupes sont rapidement passé de simple connaissance à amis proche voir famille, si je puis le dire ainsi. Nous partageons une même passion, et je pense que les liens se tissent peut-être plus facilement.

Aujourd’hui, en quoi sommes nous différents des autres ? Notre amour de la Suze et du Limoncello je pense (rires). Là, je devrais dire que je rigole, mais ce n’est pas bien de mentir (rires). Je pense qu’il y a un investissement réel et sincère de notre part. Un groupe peut faire une musique excellente, mais si les gars sont des connards, ça ne va pas nous intéresser.

Pour moi le black metal ce n’est pas juste de la musique, il y a quelque chose en plus. Et on a besoin de ressentir ça chez nos artistes, que la démarche soit honnête, et que cette démarche ne s’arrête pas simplement à faire de la musique. Je vois vraiment la musique comme étant un art. J’ai besoin que la musique me parle, me transporte, si tu vois ce que je veux dire. Mais là, j’ai l’impression que je me perds un peu …

Asgard Hass Productions, c’est un label qui avec les années est devenu une association. Mais pour moi, c’est aussi une famille. Notre investissement va au-delà de cette relation artiste-label dont je parlais avant. Je m’investis vraiment pour nos groupes. J’essaie de les suivre sur toutes leurs dates, quand c’est possible bien sûr. Ils m’invitent à leurs mariages, pendaisons de crémaillères et j’en passe … On ne se voient pas que pour la musique, il y a quelque chose de plus. C’est peut-être ça la chose qui fait que nous sommes différents. Justement de ne pas s’arrêter à la musique, mais de chercher à aller plus loin. De chercher à créer des liens qui iront au-delà de la musique.

Asgard Hass au Throne Festi en 2019

L : La compilation des 10 ans de Asgard Hass Production mettra sans nul doute à l’honneur ces belles relations qui ont été tissées avec les musiciens. Peux-tu nous parler de ce projet, et plus généralement de l’avenir de Asgard Hass ?

A : Effectivement. Nous avons commencé à travailler dessus il y a déjà plusieurs mois, et nous avons déjà reçu les premiers morceaux. Le but n’est pas de bosser uniquement avec nos groupes, mais également avec les personnes que nous aurons rencontrées durant ces dix ans. Beaucoup de ces personnes sont devenus des potes voir de très bons amis, et toutes ces rencontres nous ont amené quelque chose. D’une certaine manière elles ont participé à Asgard Hass. Cette compilation sera une rétrospective de notre travail, de nos rencontres. En plus on est chiant (rires). Car ont demande que ce soient uniquement des morceaux inédits, dédié à la compilation, histoire qu’elle ait un véritable intérêt. Pour ces dix ans, nous devrions également organiser un concert en Suisse en 2022. Sûrement septembre-octobre. 

Concernant l’avenir d’Asgard Hass, j’espère que nous allons garder notre manière de faire : continuer d’avancer de la même façon, et surtout que nous arriverons à garder ce côté « humain » dans les relations que nous avons avec nos groupes. On n’a pas mal de trucs prévus, mais avec le virus nous avons pris beaucoup de retard, mine de rien. J’espère déjà que la vie reprendra bientôt son chemin d’une manière générale, et le reste suivra.

On souhaite continuer à développer l’association et les deux labels (NDLR : le second est MTAF Records).  On aimerait aussi trouver de nouveaux membres pour l’association, notamment pour les stands sur les événements. Nous aimerions aussi beaucoup pouvoir créer une section événementielle, si je puis dire ça de cette façon, que ce soit pour organiser des concerts au nom des labels, ou même trouver des dates pour nos groupes, voir organiser des petites tournées. On a toujours quelque chose sur le feu de toute façon (rires).

Les dix ans approchent, espérons que nous serons encore là pour les vingt.

L : C’est tout le mal qu’on te souhaite, à toi et à l’association ! Compte tenu des valeurs humaines qui t’animent, je suis confiant au sujet de la pérennité de ton travail. Longue vie à Asgard Hass Productions !

Asgard Hass chez VHS à Vevey

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Laurent