Pluto Crevé – Chemin Neuf : l’interview exclusive
Pluto Crevé. Le nom est excellent, et le groupe l’est tout autant. J’ai tout écouté depuis les premières sorties, je les ai vus en concert, et j’ai adhéré à tout. J’ai même enregistré un cover, pour vous dire à quel point ça me plait. Et voilà que ces fieffés lascars de la Réunion nous sortent un nouvel album. Alors on va en parler. Oh ouais, on va en parler. Avec eux.
Pluto Crevé : la genèse d’un groupe de Hardcore à la Réunion
Laurent : Un peu d’histoire pour commencer … Pluto Crevé ça commence quand et comment ?
JL, bassiste de Pluto Crevé : Pluto Crevé, ça commence en juillet 2012. À ce moment, Marko et JL officient déjà dans le groupe anarcho-punk The Circle-A, respectivement à la guitare et à la batterie (avec Lulu à la basse, et Penny au chant). Ce projet est leur bébé, mais en parallèle, ils ont envie de faire également du son plus gras, plus hardcore.
C’est là qu’intervient Ienien, ami proche du groupe et alors coloc de JL, qui est batteur et également motivé pour ce genre de projet. La première répète se passe dans le local de répète de JL, alors à domicile, et la mayonnaise prend direct, il en résultera une première compo qui plus tard deviendra le morceau Petit enfant des bois.
À ce moment, les répètes et les compos s’enchaînent, au rythme d’une compo par répète. Mais aucun des protagonistes ne sait chanter (et encore moins en jouant). On avait décidé à ce moment de faire du yaourt, à défaut de vrai chanteur ou chanteuse. Comme les répètes chez JL s’enchaînaient entre The Circle-A et Pluto Crevé, Lulu est assez vite devenu fan des compos de Pluto, et a fini par craquer pour nous rejoindre sur le projet en tant que chanteur, avant fin 2012.
Julien, batteur de Pluto Crevé : Dernier clébard à fourrer le museau dans la gamelle du Pluto, il m’a fallu juste un concert pour comprendre que cette brigade était née pour le rock and roll. J’étais dans le public et je me rappelle m’être dit « putain, si je dois retourner sur un improbable tabouret, m’employer à marteler furieusement de pauvres fûts innocents, c’est avec un groupe comme celui-là que je voudrais le faire ». Le quartette était solide, et derrière la drum il y avait Yainyain. Il ne m’est même venu à l’esprit que je pouvais rejoindre la meute. Et puis Yainyain a dû quitter La Réunion, il a fallu lui trouver un remplaçant. Lulu, notre bien-aimé « frontman maximus », avec qui je jouais par ailleurs en tant que guitariste, dans Rocksteady Sporting Club, m’a demandé si l’aventure me tentait et je crois bien que j’ai dit oui. C’était un peu risqué au regard de mon CV. J’étais un gentil drummer. Plus Funk Rock Fusion que Punk Hardcore. « Engagez-vous qui disait ! ». Pour de l’engagement, ben là j’étais servi.
Le nouvel album de Pluto Crevé, Chemin Neuf, arrive le 1er août 2023
L : Depuis le début, Pluto Crevé est donc resté fidèle à son ADN, puisque le nouvel album sonne franchement punk hardcore. Comment vous décririez l’évolution musicale du groupe, le cheminement qui mène à ce nouveau disque ?
JL : En 2015, le groupe a donc perdu son batteur, Ienien, qui a dû rejoindre la métropole. Coup dur, qui aboutit l’année suivante à l’arrivée de Julien, ce qui a contribué à apporter une teinte différente, avec son expérience de batteur fusion. C’est entre autres à cela que fait référence le nom de l’album, Chemin Neuf, un nouvel album, explorant de nouvelles pistes, tout en gardant bien entendu nos racines (on ne se refait pas).
J : La musique qu’on fabrique doit parler à nos corps de musiciens. Organes et tripes. Il me semble que Pluto travaille toujours à produire de l’organique, du sensoriel et de l’instinctif. Le cerveau guide bien sûr mais il donne le cadre et rien d’autre que l’instinct raisonnable, l’idée qu’on est dans le vrai, ne valide nos choix. On progresse toujours vers la musicalité la plus appropriée à nos esthétiques punk et hardcore. Je crois que c’est un peu un principe commun à toute tentative de création.
JL : Certaines compos récentes sont un peu moins abruptes que celles de nos débuts, moins directes, avec des intros, quelques passages un peu plus posés, moins tendus, mais d’autres le restent, et effectivement, le tout reste du Pluto Crevé, tendant plus sur du hardcore qu’à nos débuts plus punk.
Depuis les débuts du groupe, on a également investi dans un pad électronique qui permet à Lulu, notre chanteur, de déclencher des samples. On s’en sert en live principalement pour mettre des ambiances, et parfois des éléments rythmiques dans certains morceaux. On en retrouve quelques-uns dans l’album. On n’en abuse pas, mais cela contribue bien entendu à l’évolution de nos compos.
À noter que l’album comporte justement de vieilles compos (certaines de 2013), qui n’avaient jamais été enregistrées, ainsi que des récentes. Il retrace donc un peu l’histoire du groupe sur 10 années. On a lancé le projet de cet album à notre retour de tournée européenne, fin 2019, mais l’épisode Covid-19 a fortement retardé sa création. Un mal pour un bien, car cela nous a permis de créer deux nouvelles compos, Boom et Homme Blanc, qui se retrouvent finalement sur l’album.
L : Ce côté plus travaillé, plus raffiné oserais-je dire, m’a sauté aux oreilles lors de mes premières écoutes de l’album. La production va dans le même sens, selon moi, et elle mérite qu’on s’y attarde un peu.
La voix et les intonations collent à la perfection au propos, rien à redire, ça fonctionne parfaitement bien. Le son de guitare est tout à fait convaincant, classique, épais à souhait, efficace : on imagine une Gibson dans un Marshall et on n’a pas grand-chose à redire. La basse est tout aussi efficace, mordante et bien à sa place ; exactement ce qu’on demande à une basse, finalement. Le son de batterie se démarque un peu plus, notamment par le fait que les overhead sont très appuyés. Ce choix artistique apporte une teinte Metal / Thrash, qui colle vraiment bien aux morceaux de Chemin Neuf. Comment avez-vous enregistré et produit l’album ?
JL : C’est notre premier album solo, notre première sortie étant un split avec les Havrais de ChuX BolloX, en 2018. On a tout de suite souhaité bien en travailler le son, pour obtenir quelque chose qui nous plaise, qui soit à l’image de ce que l’on veut produire, et qui serve les compos à leur hauteur.
À notre retour de tournée, fin 2019, on était chauds, on avait les morceaux dans les pattes, et grosso modo de quoi se payer deux jours d’enregistrement. On comptait sur les dates à venir pour financer la production puis le pressage de l’album.
On a choisi de faire ça au studio Oasis, à Saint-Louis, à La Réunion. Ce studio créé en 1984 a une histoire importante dans la musique de La Réunion, mais aussi de l’océan Indien, et l’infrastructure se prêtait bien à notre projet.
On a fait appel à notre ami ingé son Brice Nauroy pour l’enregistrement, puis le mix.
Le projet a été d’enregistrer live, Les instrus dans une grande pièce, les amplis à part et le chant dans une autre pièce.
J : Brice Nauroy ne vient pas du tout de la culture punk. Il a donc dû s’en mettre dans les oreilles, faire avec un peu de prise de risques et compter sur son expérience dans d’autres esthétiques. Cela étant dit, d’accord avec toi sur le fait que cet album marque une évolution de production. Si on parle batterie, je dirais plus « Thrash» que « Metal ». Je n’ai clairement pas un « jeu Metal » : pas de double pédale, pas de trigger qui donne un côté plastique aux grosses caisses. Au final ça donne quelque chose de « fat » mais punk. Pour la présence overhead, à mon avis c’est le charley qui prend de la place pour faire le lien rythmique.
JL : Le Covid a bien chamboulé les plans, entre les confinements, les couvre-feux… etc. Cela nous a permis d’ajouter deux compos en plus, et donc d’enregistrer non pas 10, mais 12 titres en deux jours. Ça faisait déjà pas mal, mais c’était sans compter des soucis techniques au studio le premier jour, à l’issue duquel nous n’avions qu’une prise d’un morceau de correcte. Il nous fallait donc enregistrer 11 titres le deuxième jour. Et c’est ce qu’on a fait.
Le Covid ayant fortement diminué notre activité scénique, il nous aura fallu pas mal de temps pour avoir de quoi financer la suite du projet. Nous avons fait une prise de son pour une seconde guitare, puis une prise pour les chœurs. Puis nous avons organisé une soirée avec plusieurs groupes venus en soutien, qui nous a permis de lancer le mix fin 2022. Après quelques réglages, on est arrivés à ce qu’on cherchait, un son pêchu, mais où chaque instru est discernable, avec une bonne dynamique.
On a ensuite fait appel à Disvlar Studio, en France, pour le mastering, ils couvrent pas mal de styles musicaux faisant partie de nos influences, ça a été super efficace ! Merci Steph Tanker !
Tout ça pour en arriver au pressage, qui s’est fait à la Réunion, chez Runrun Records.
L : Tu évoques le financement, un point déterminant dans tout projet studio. Peux-tu nous en dire plus ?
JL : Là aussi, le Covid ne nous a pas aidés. Certains labels avec lesquels on avait déjà bossé par le passé se retrouvaient bloqués, leurs stocks étant immobilisés par l’absence de concerts, ils n’avaient plus trop de capacité d’investissement pour de nouveaux projets. Par ailleurs, certains labels se proposaient de participer, mais ne voulaient investir que sur la duplication du support, ce qui est loin d’être le plus gros de l’investissement nécessaire, qui est l’enregistrement et le mix. On a donc décidé de tout auto-produire de A à Z. La raréfaction des lieux de diffusion de rock à La Réunion n’a pas aidé non plus à nous renflouer et financer cette production (merci au Zinc et à La Cerise, au passage).
L : L’album sort sur support physique, ce qui n’est plus si courant ! Quels seront les formats proposés ?
JL : On sort l’album en vinyle seulement, 33T 180g , ainsi qu’en version numérique.
J : Pour ma part, je ne conçois pas vraiment une sortie d’album sans au moins quelques exemplaires vinyles. Sans doute parce que je suis « oldschool », mais aussi parce que j’aime le format, l’artwork prend tout son sens et je ne me lasse pas du rituel sacré : on sort l’album de sa pochette, on l’essuie avec respect, on le pose avec délicatesse sur la platine pour y caler le léger bras de lecture. Et puis, on se doit d’attendre quelques secondes pour entrer dans l’univers qui nous ouvre ses portes.
Sans juger des pratiques actuelles d’écoute, un album c’est une intention que l’ordre des morceaux et faces traduit. Alors, rien que pour ça, je veux bien un 33 tours. De toute façon, j’aurai aussi les mp3 ou d’autres formats numériques moins dégueulasses pour me faire mes petites compiles.
L : Je partage totalement ce point du vue. Un album est une sorte de pierre blanche dans la vie d’un groupe, quoi de mieux qu’un vinyle pour marquer le coup avec panache ! Comment le disque sera distribué ?
JL : Le disque sera essentiellement vendu par nous-mêmes, lors de nos concerts. Ainsi, sa sortie officielle sera le 1er août, première date de notre tournée Européenne 2023.
Par ailleurs, les amis de Mass Prod et Bourre-pif records vont également en distribuer quelques exemplaires.
Pluto Crevé présente son nouvel album lors d’une tournée en Europe
L : Je me mets à la place de celles et ceux qui vont découvrir l’album sur scène, ça promet de belles soirées ! Vous avez déjà la liste des dates et des lieux de la tournée ?
JL : Il nous reste encore une date à caler, mais le reste est en place, et ça va être une chouette tournée, qui va nous faire traverser la Belgique, la Hollande, puis l’Allemagne, avant de terminer par deux dates en France, dont la dernière, au Crusty Fest, où l’on va retrouver plein d’amis : Human Dogfood, Anticlockwise, etc.
La liste des concerts de la tournée, à jour, est disponible sur le site officiel de Pluto Crevé.
L : Et bien il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une excellente tournée. Ça va guincher !
Suivez l’actu de Pluto Crevé sur Facebook et sur leur site officiel, et écoutez le groupe sur Youtube et sur Soundcloud !
Nous remercions vivement Lazy O Photos pour la photo d’illustration principale de cet article.
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